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La vie merveilleuse de Mister P. - Page 2

  • La cabane

    Mister P. n'oubliait pas le rêve récurrent de sa vie antérieure : la cabane à caresses. Il n'était pas trop tard. Il continuait à imaginer et à construire mentalement ce projet d'une vie. Parfois même le rêve s'ébauchait mais toujours incomplet, imparfait, inachevé. Etait-il condamné, comme chaque rêveur, à une poursuite sans fin ? Il ne s'y résignait pas, persuadé que ce rêve pouvait changer la réalité et pas seulement sa propre vie. Alors il continuait à chercher, au risque de s'égarer. Il ouvrait des portes, visitait des maisons, s'aventurait sur des chemins inconnus, rencontrait d'autres rêveurs. Il est normal, se disait-il, que le rêve soit exigeant. Il savait aussi qu'il n'est pas sans danger. Et parfois le doute le rattrapait : un rêve vaut-il la peine d'être vécu ?

  • Testament (suite)

    Mister P. aimait tellement la vie qu'il ne voulait pas rater sa mort. Il savait bien que c'était présompteux mais ne pouvait s'empêcher de vouloir, même à ce moment, faire oeuvre. C'est pour cela, par exemple, qu'il avait déjà prévu les poèmes qu'il voulait qu'on lise quand il partirait sans retour. Il avait la chance de pouvoir y penser sans souffrance, sans peur, sans tristesse. Rien ne pressait. Tout allait bien. Ou presque. Il ne fallait pas louper cette occasion que la vie lui offrait, et il se réjouissait par avance du cadeau que seraient ces textes de Jules Supervielle, Violetta Parra, Boris Vian, et Anna de Noailles... Il faisait confiance à ses amis poètes et à ses amours proches pour accompagner ce petit rite, ultime partage de ces quelques mots qui eux resteront toujours vivants.

  • Le cri

    Ce matin-là, devant sa glace, en ce premier jour de l'automne, Mister P., torse nu, bras écartés et poings serrés, a poussé un cri rauque, un peu bestial, sans préméditation, sans raison particulière... et il a immédiatement pensé au "cri" de Walt Whitman  et  à cette fameuse scène du "Cercle des poètes disparus". Oui, c'était bien ça : "Je hurle mon cri barbare sur tous les toits du monde : YAWP !". Mister P. avait, à son tour, poussé ce cri libérateur, un peu sauvage, un peu fou, et il se demandait si ce n'était que de la poésie...

  • Testament

    Dans son petit carnet,  avait déjà tout prévu :

    Quand sera fini le temps de mon aventure terrestre, je veux qu'on réduise mon corps en cendres et qu'on jette un peu de cette poussière dans le vide, au grand air, à tous les vents, en haut de la montagne Sainte-Victoire, au bout du Cap Morgiou, au sommet du Mont Lozère... Ainsi mes amis pourront dire : "Même après sa mort, il nous fait encore chier !"

  • Nuance

    " Je n'ai pas la tremblotte, j'ai la bougeotte." Mister P.

     

  • Bibliothèque

    Mister P. se demandait si quand il allait mourir on dirait : c'est une bibliothèque qui brûle.

    Ça lui ferait plaisir. A titre posthume.

  • Now

    Ce jour-là il avait pris une décision :

    "Rien ne m'inquiète, rien ne m'atteind.

    NOW ! sera mon cri de ralliement."

     

  • Identité

    Parfois, après que ses errances vaguement aventureuses l'eurent distrait de son identité, il se souvenait à nouveau qu'il était Mister P.

    Il s'irritait alors de ne pas donner une dimension plus grande et un sens plus profond à cette neuve liberté que lui offrait, paradoxalement, cette condition nouvelle.

  • Oeuvre

    Il avait toujours cherché à faire de sa vie une œuvre.

    Il se demandait maintenant s'il ne valait pas mieux être "désœuvré".

  • Conseils

    Les spécialistes  conseillaient à Mister P. : mouvement et plaisir.

    Ca  tombait bien, c'était déjà son programme.

  • Sensations

    Ses sensations, qui étaient déjà vives, semblaient désormais décuplées.

  • Danse

    Mister P. avait bien ébauché une danse de la pluie, nu sous l'orage dans la nuit, mais la foudre eut tôt fait de le ramener à la raison. Il rentra bien vite, amusé mais penaud, dans la maison.

  • Sentence

    Il aurait bien aimé être moins sentencieux, mais il ne pouvait s'empêcher de résumer la situation :

    " Je n'ai plus qu'un seul maître : la mort.

    Et encore... Elle ne m'enlèvera rien de ce que j'ai vécu."

  • Cadeau

    Ce jour là  Mister P. avait eu la confirmation qu'il était bien Mister P.

    Il avait profité de l'occasion pour  offrir à ses amis un autoportrait pas tout à fait abstrait...

  • Vers

    Il avait toujours dit que ce vers était beau.

    Il prétendait désormais que c'était le plus beau.

    Il avait pour cela de bonnes raisons.

    "Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard"

  • La maison

    Il commençait des romans :

    "La maison serait petite mais aurait un grand lit. Un grand jardin aussi.

    Un chêne pour l'ombre, un olivier pour la beauté, un bambou pour l'esprit."

    Et dans son jardin il regardait le chêne, l'olivier, le bambou. Inutile d'écrire un roman.

    Il fallait vivre. Dans le grand lit aussi...

     

  • Aveu

    Mister P. faisait même des aveux dans son petit carnet :

    "Je suis prêt à tout... pourvu que je fasse l'amour"

  • Question

    Il continuait à chercher les bonnes questions. Il n'avait pas de mérite. C'était son boulot, dans sa vie d'avant. Il pouvait difficilement changer cette habitude. Et pourquoi aurait-il renoncé, d'ailleurs, à cette gymnastique ? Et puis c'était urgent, maintenant. Il n'avait pas oublié non plus la devise qu'il s'était inventé, quand il n'était pas encore Mister P. : "Si tu n'as pas la réponse, aime ta question".

    Ce jour-là, tiraillé encore entre ses amours plantés dans ses tripes et le besoin de sérénité que réclamait sa tête, il avait écrit :

    "Peut-on concilier l'inquiétude du lien et la quiétude du détachement ?"

    Il aimait la question, de fait, mais s'inquiétait tout de même, frèle esprit et faible corps, de la réponse...

     

  • Souci

    "Souci : le pire des mots et des maux. C'est aussi le nom d'une fleur." Mister P.

     

  • Moi

    Il n'était pas peu fier de certaines de ses pensées, mi Pascal mi Freud: "Le moi a ses raisons que le soi connait bien." Ça avait de la gueule comme citation !

  • Réincarnation

    Il aurait bien aimé pouvoir se réincarner en oiseau, mais sexuellement, se disait-il, c'est pas terrible.

  • Beauté

    Ils étaient partis tous deux dans les champs de lavande et plus que jamais il était convaincu qu'une seule chose restait possible : "Cueillir des brins de beauté dans ce monde de brutes.". Oui, cela il pouvait encore le faire.

  • Vide

    Chez Bouddha il se posait des questions étranges comme " Comment combler le vide en le laissant vide ?".

    Ça lui plaisait.

  • Enseignement

    Chez Bouddha il avait reçu un enseignement essentiel, marqué lui aussi dans son petit carnet :

    " Il y a un endroit calme où je peux aller : en moi."

     

  • La clef

    Sur le carnet, chez Bouddha, il avait écrit : 

    "On cherche toujours la clef, la formule."

  • Bouddha

    Mister P. s'était d'abord retrouvé chez Bouddha.

    Etre illuminé, que demander de plus ?

    Etre lumière et éclairé.

    Sage, et fou.

  • Prise de tête

     Il résumait : "A force de se prendre la tête, un jour c'est la tête qui vous prend."

  • Dans les yeux

    Il venait d'écrire dans son petit carnet désormais dédié à ses pensées : "Un jour on regarde la vie droit dans les yeux. Et on s'aperçoit que l'on a plus ou moins toujours détourné le regard."

  • Philosophies

    Il n'y a que deux philosophies, savait maintenant Mister P. : celle des bien-portants et celle des malades, celle des vivants et celle des survivants. Le reste ? Des détails, des broutilles, du luxe.