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Trace

Mister P. conservait de sa vie d'avant l'obsession de la trace, désormais encore plus insistante. Que resterait-il de son passage sur la Terre ?  Ces boîtes à archives contenant des bulletins de salaire et des feuilles d'impôts ?
Ces milliers de livres alignés et classés dans une grande bibliothèque ? Ces  dizaines de milliers de photos soigneusement triées dans son ordinateur ? Plus que jamais, comme avant, il aurait voulu que sa vie se résume à un poème, un seul petit poème tout simple que chacun pourrait retenir et mettre dans un coin de sa tête et de son cœur. Mais tout ce qu il avait écrit était voué à l'oubli : la vague du temps l'effacerait  comme la vague de l'océan avait effacé, lors d'un été idéal, les mots qu'il avait tracés maladroitement sur le sable doré. Aujourdhui encore moins qu'hier  il n'était capable de graver dans le marbre ou de rester durablement éloigné du bord de l'eau. Alors il n'avait plus qu'à attendre, et tout disparaîtrait dans la frange d'écume. L'immensité du temps recouvrirait sa vie comme l'océan avait en un instant renvoyé le poète à sa vanité.
Il fallait se résigner : nulle trace.
A moins, songea Mister P., que le poème soit cet effacement. Il suffisait  alors de se tenir à la limite des vagues et d'essayer de faire une rime des moments de sa vie. Ratures comprises. Sans brouillon.  Ce n'était pas si simple. Il fallait oser le sable. Et accepter l'océan.  Mais c'était le seul moyen de donner un sens à notre passage. Et quelle autre trace pouvait-on souhaiter qu'un peu de beauté ?


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