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  • Un roi

    Oui, dans sa vie d'avant, il avait bien été le roi de son petit monde au bord de cette rivière en Lozère, vert paradis de son enfance. Maître de rien mais riche du grand mystère de sa vie toute à venir. Bien plus tard il avait parfois, au cours de ses petites aventures en terres inconnues, retrouvé dans certains instants de plénitude ce royaume désormais élargi à la terre ronde qui s'offrait à lui sans limites. Devant les images qui lui rappelaient ses moments d'exaltation il s'amusait de ses souvenirs. A chaque fois, face au vent puissant soufflant dans la lit de la rivière Kali Gandaki au Népal, contre le vent encore dans les steppes de Mongolie, ou comme un défi sans danger au terme effrayant, dans la touffeur écrasante et pourtant matinale de la Vallée de la Mort, il avait hurlé : "Je suis le roi du monde !". Et Mister P. se demandait à nouveau ce que peuvent les horloges menaçantes contre le cri de cet enfant de plusieurs décennies qui avait connu cette ivresse d'un roi pour de rire clamant à la face du monde son orgueil de vivant. Pour de vrai.

  • La rivière

    Il n'avait pas choisi cette nouvelle horloge qui désormais ne le quittait plus, comme une deuxième ombre pesante et sombre. Le temps, son temps, était donc doublement compté. Bien sûr il suffisait alors de plonger dans l'absolu présent, comme le préconisent les docteurs de l'existence. Plus facile à dire qu'à faire. Il avait pourtant longuement pratiqué dans sa première vie cet éloge de l'instant. Il en était très fier. Il croyait avoir compris. Mais on ne s'extrait jamais totalement du temps. Le passé, d'ailleurs, lui était relativement doux, l'emportant par exemple au gré d'une image retrouvée, à l'époque bénie de son enfance. Ce temps-là, celui des bras d'une mère, celui d'un monde réduit aux contours de l'innocence et ouvert à tous les possibles, Mister P. aimait le faire revivre pour défier les horloges. Que pouvaient-elles, ces tristes compteuses de vie, contre le sourire d'un enfant au bord de la   rivière ?