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  • Le livre

    Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il ne pouvait pas savoir. Il n’était pas un ami. Seulement un très sympathique conseiller de son magasin randonnée-montagne préféré. Mais la conversation avait dérivé sur leur vie personnelle. Non, il ne pouvait pas savoir qu’il parlait à Mister P. Il ne connaissait pas sa nouvelle identité. Il lui raconta par le détail les affres de la même maladie d’un père récemment décédé. Mister P. n’avait rien demandé. Non, surtout pas ça. Surtout pas là. Surtout pas dans cette antre sereine où il venait évoquer ses envies d’ailleurs avec cet autre baroudeur.

    Il abrégea un peu brutalement la conversation, visage crispé, sortant précipitamment du magasin pour marcher dans une rue qu’il ressentit encore plus sale, encore plus vulgaire qu’à l’ordinaire.

    Il baissait la tête et filait droit sur le trottoir face à un vent mauvais qui lui griffait les joues. Il avait envie de pleurer. Ça ne lui était plus arrivé depuis le premier jour. Celui de sa métamorphose. Mais la rue était trop hostile pour qu’il baisse la garde. Il releva la tête et décida, un peu plus loin, de retrouver le havre d’une librairie.

    Derrière le comptoir où il feuilletait le livre d’un aventurier qu'il admirait, une vendeuse blonde au nez très fin lui conseilla, puisqu’il semblait aimer la littérature de voyage, un « texte magnifiquement écrit  qui nous emporte dans les steppes de Mongolie ». Il parcourut quelques pages du livre qu'elle lui avait tendu. « On dirait du Cendrars », dit-il pour l’épater. « C’est vrai » admit-elle en souriant.  Ses mains étaient fines. Sa bouche était rouge. Ce pourrait être si simple, se dit Mister P. en sortant de la librairie.

    Au bord de ses yeux, toujours deux larmes supendues.

    A cause du vent, probablement.